La consommation d’énergie évolue dans les refuges du CAC

 

Par Tom Fransham et Keith Haberl

La consommation d’énergie dans les refuges du Club alpin du Canada a beaucoup changé au cours du dernier siècle. Les premiers refuges de montagne canadiens, au début du vingtième siècle, étaient des structures simples en rondins ou en pierre locaux conçues comme des abris de base contre les éléments. La consommation d’énergie se serait résumée à brûler du bois de chauffage collecté localement. Plus d’un siècle plus tard, la demande en énergie dans les refuges est plus élevée, l’opération s’enracine dans des valeurs de conservation, et la transition vers l’énergie renouvelable réalise ses premiers pas. Toutes ces raisons méritent qu’on retrace l’évolution des besoins énergétiques dans les refuges et les facteurs qui ont influencé ces changements au fil des ans.


Des panneaux solaires au gîte de Shadow Lake. Photo: Peter Hoang.

Cent ans plus tôt, le bois de chauffage était pratiquement le seul carburant dans l’arrière-pays

Une consommation augmentée d’énergie

Installation d’une micro-centrale hydroélectrique au refuge Conrad Kain dans les Bugaboos, 2023. Photo Tom Fransham.

Dans un refuge, les besoins en énergie les plus évidents concernent le chauffage, la cuisson et l’éclairage, mais ces dernières années, ces besoins ont évolué pour inclure la ventilation, le chargement d’appareils électroniques et même, dans certains refuges, la communication. Un autre des principaux facteurs est l’énergie nécessaire pour transporter cette énergie (qu’on pense à des chargements par hélicoptère de bois de chauffage ou de réservoirs de propane). En ajoutant l’augmentation des visiteurs et de l’utilisation tout au long de l’année, nous voyons comment la tendance la plus forte de ce dernier siècle est l’augmentation de l’énergie qui est consommée dans les refuges.

Cent ans plus tôt, le bois de chauffage était pratiquement le seul carburant dans l’arrière-pays. Dansles années 1980, la disponibilité accrue du propane a mené à une modernisation des refuges, bien que le bois reste prédominant. Les nouveaux refuges, spécialement les refuges situés sur des glaciers ou en haute altitude, ont été conçus pour fonctionner au propane avec la cuisine, l’éclairage et parfois le chauffage.

Installation de panneaux solaires au refuge Conrad Kain dans les Bugaboos, 2023. Photo Tom Fransham.

L’augmentation des utilisateurs en arrière-pays entraîne toujours une augmentation des déchets corporels. La solution d’origine pour les refuges était une toilette à fosse dans la forêt qui pourrait être recouverte et déplacée une fois remplie. Le coût énergétique de ce système était pratiquement nul. Amorcé dans les années 1980, le passage vers un système de barils aéroportés a grandement contribué à la consommation énergétique totale du réseau de refuges. Quelques refuges comprennent de nouvelles commodités telles que les communications d’urgence (là où il y a des gardiens en résidence), la ventilation et des prises USB pour le chargement d’appareils personnels. Leur alimentation provient de l’énergie renouvelable produite sur les lieux, mais contribue à l’augmentation de l’énergie généralement consommée.

Conservation et valeurs du Club

Le CAC est une organisation dirigée par ses membres pour qui la protection et l’intendance environnementales sont des valeurs importantes, et le fonctionnement de son réseau de refuges en arrière pays — un aspect majeur de l’économie et de l’identité du Club — doit refléter ces valeurs.

Panneaux solaires neufs au refuge Bow du Club alpin du Canada dans les champs de glace Wapta, 2024. Photo Peter Hoang.

Sans oublier que ces refuges en régions alpines sont souvent aux premières loges pour assister aux changements radicaux que sont la fonte des gla- ciers et les événements météorologiques extrêmes, parmi d’autres effets du changement climatique. Le refuge du col Abbot, pour citer un exemple fameux, a subi la disparition de la glace du glacier Victoria inférieur durant des années avant d’être retiré en 2022, alors que le sol sous ses fondations commençait à se dérober.

De façon contre-intuitive, certaines priorités de conservation pour diminuer l’empreinte écologique ont augmenté la consommation d’énergie. Avec l’augmentation des visites aux refuges, la disponibilité du bois de chauffage local a diminué, et comme la plupart des refuges du CAC se trouvent dans des parcs provinciaux ou nationaux, le bois de chauffage a dû être transporté aux refuges, incluant par hélicoptère.

De la même façon, le souci de gérer correctement les déchets corporels, autrement qu’en les enterrant dans le sol, est né d’une préoccupation pour l’état de l’eau, tant localement qu’en aval. Les déchets sont désormais transportés en barils par hélicoptère, une pratique beaucoup plus responsable mais dont on doit reconnaître la consommation augmentée en énergie.

La construction de nouveaux refuges, informée par des techniques modernes à haute efficacité, a utilisé des panneaux isolants, ce qui réduisait de beaucoup les courants d’air des cabanes en rond ins. Or comme ces nouvelles structures se situaient souvent sur des glaciers ou connaissaient un usage intensif en hiver (penser au refuge Bow), l’air stagnant des refuges a créé des problèmes d’humidité et de moisissure. Des rénovations récentes au refuge Bow ont non seulement mené au remplacement des murs de son vestibule (ravagés par l’humidité), mais aussi à l’installation de conduits et de ventilateurs à récupération de chaleur pour atténuer l’humidité. Toutes ces initiatives provenaient du souci de réduire l’empreinte écologique, mais contribuèrent à augmenter la consommation d’énergie par d’autres moyens.

Éoliennes au refuge Louise et Richard Guy dans les champs de glace Wapta. Photo Tom Fransham.

Vers l’énergie renouvelable

Conserver et trouver des alternatives à moindres émissions d’énergie et laisser une empreinte plus petite dans l’environnement alpin, des tâches ardues pour trente-deux refuges en arrière-pays dans plusieurs chaînes de montagnes, sont des priorités pour le CAC.

À présent, cinq installations du CAC produisent une partie ou la totalité de leur énergie à partir de sources renouvelables. Le refuge Conrad Kain dans les Bugaboos génère son électricité à partir d’énergie solaire et d’une micro-centrale hydroélectrique qui alimente l’éclairage, les cuisinières et les communications de la plus grande cabane du Club. Sur le champ de glace de Wapta, l’énergie solaire nourrit l’éclairage et la ventilation du refuge Bow, et sera complétée par une éolienne en automne 2024. À l’ouest, le long de la traversée Bow-Yoho, le refuge Louise et Richard Guy utilise aussi l’énergie solaire et éolienne pour l’éclairage et la ventilation, cela depuis sa construction en 2015. De toutes les installations du CAC, le gîte de Shadow Lake dans le parc national Banff est celui qui comporte le plus de panneaux solaires, générant presque toute l’énergie employée dans ce gîte d’arrière-pays à service complet, y compris l’éclairage, la cuisine et une réfrigération importante. Et dans les Kootenays, l’électricité de l’éclairage, la cuisine et les communications de la cabane du glacier Kokanee est générée par une micro-centrale électrique, installée dans un ruisseau voisin.

L’équipe de maintenance des installations du CAC installe une éolienne au refuge Bow, septembre 2024. Photo Peter Hoang.

Dans les mois prochains, l’énergie solaire sera installée dans la cabane de Cameron Lake (automne 2024) et dans la hutte de rechange du mont Castle (printemps 2025). Un système hybride d’énergie solaire et micro hydroélectrique est prévu pour le refuge de Fairy Meadow dans les Selkirks, et une capacité solaire supplémentaire sera ajoutée au système du refuge de Shadow Lake. Le CAC continuera de poursuivre des projets d’énergie renouvelable pour ses refuges les plus populaires, avec des installations planifiées au refuge Elizabeth Parker au lac O’Hara, le gîte A.O. Wheeler à Rogers Pass, et la cabane d’Elk Lakes.

En plus d’alimenter davantage de refuges avec de l’énergie renouvelable, le Club, de concert avec BC Parks, étudie des technologies de compostage et de séparation d’urine pour réduire le nombre de vols par hélicoptère nécessaires pour évacuer les déchets corporels. Comme le détournement d’urine nécessite un sol dégelé et que le compostage nécessite une chaleur réelle, ils peuvent constituer un défi pour les refuges utilisés à l’année dans les environnements alpins, mais la possibilité d’ajouter l’énergie solaire à ce mélange est explorée et peut s’avérer prometteuse.

Plan rapproché des panneaux solaires du refuge Bow. Photo Peter Hoang.

Tout au long du siècle passé, les refuges en arrière-pays sont devenus plus pratiques, confortables et sécuritaires, mais ils utilisent aussi davantage d’énergie. Guidé par la mission du Club d’être le gardien de l’environnement alpin, le défi des prochaines années sera de continuer de trouver des façons de réduire la consommation d’énergie et de minimiser notre impact dans tous les lieux où nous exerçons nos activités.

Directeur des projets d’investissement du CAC, Tom Fransham est ingénieur, alpiniste, entraîneur de vélo de montagne, et chef d’expédition bénévole qui se passionne pour la planification d’infrastructures durables. Keith Haberl travaille à l’office national du CAC de Canmore en tant que responsable du marketing et des communications. Dans les années 1990, il a publié un guide sur les refuges en arrière-pays du Club.


 
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