Le projet de réintroduction du bison à Banff : Une mise à jour culturelle

 

Bill Snow


En avril 2022, les Stoney Nakoda ont achevé un rapport : « Accroître la réintroduction du bison des plaines dans le parc national Banff grâce à l’inclusion de la surveillance culturelle et des connaissances traditionnelles1 » (l’Étude Stoney du bison), qui considère la réintroduction du bison dans le parc national Banff (Mînî Rhpa Mâkoche) selon un point de vue culturel autochtone. En 2017, une harde de seize bisons des plaines fut transférée, du parc national Elk, à l’arrière-pays du parc national Banff (PNB). Dans le monde, la harde du parc national Elk est la plus saine et la plus exempte de maladies, ce qui fait d’elle la harde d’origine pour de nombreux programmes de réintroduction du bison à travers le monde. Cinq ans plus tard, le troupeau de Banff s’était accru pour compter quatre-vingts têtes environ — le nombre exact étant inconnu, alors que quelques naissances tardives sont encore attendues cette année. L’Étude Stoney du bison a été effectuée par la nation Stoney Nakoda, en partenariat avec l’Université Mount Royal, l’Université de Colombie-Britannique, des contractants indépendants, et le Réseau canadien des montagnes. 

La harde de bisons au parc indien Stoney de Morley (Alberta), où bon nombre des consultations avec les anciens eurent lieu pour l’Étude Stoney du bison.

En 2016, une évaluation environnementale — largement basée sur la science occidentale, non autochtone — était complétée pour le projet de réintroduction du bison au parc. L’évaluation tenait peu compte de l’importance culturelle autochtone accordée au bison dans le paysage. Pour combler ce fossé, les Stoney Nakoda ont cherché à obtenir la capacité de mener une étude sur cette espèce clé qui erre maintenant dans une zone de réintroduction de 1 200 kilomètres carrés. Le financement a été obtenu en 2019 par l’entremise du Réseau canadien des montagnes, une initiative des organismes subventionnaires de la recherche du Canada. Malgré la pandémie mondiale du COVID-19, les Stoney Nakoda ont pu terminer l’étude en avril 2022, bien qu’à un rythme plus lent qu’initialement prévu.

Pour combler ce fossé, les Stoney Nakoda ont cherché à obtenir la capacité de mener une étude sur cette espèce clé.

L’Étude Stoney du bison a débuté en créant un espace éthique, un concept fondamental conçu par l’Ancien Willie Ermine et qui est indispensable pour ouvrir des discussions culturelles entre groupes divergents. L’Étude commence par une réflexion sur les savoirs traditionnels partagés à la Conférence œcuménique indienne, une suite de rassemblements spirituels qui avait été tenue au Parc indien Stoney dans la réserve indienne Stoney dans les années 1970 et 1980. Lors de ces rassemblements culturels, les anciens partageaient leurs récits sur les lieux et la faune — et les bisons en particulier —, les diffusant à l’ensemble de la communauté. La réflexion culturelle sur ce savoir traditionnel dès le départ de l’étude était essentielle à la création de cet espace « éthique » nécessaire pour ouvrir d’autres discussions sur le bison aujourd’hui. 

L’étude commence aussi par une discussion sur les méthodologies autochtones et une brève description de leurs antécédents, en plus d’une discussion sur la méthodologie des Stoney sur le « biculturalisme ». On y trouve aussi une discussion sur le processus de « surveillance culturelle » qui a été employé pour concilier la science occidentale et les savoirs autochtones, dont les étapes sont : la cérémonie, la planification, la consultation des aînés, le travail de terrain, la reconnexion des aînés, le rapport final et la sensibilisation. Les entrevues avec les anciens se sont tenues au paddock à bisons du parc indien Stoney, où les Stoney Nakoda administrent une harde de bisons depuis 1970. Ces rassemblements avaient lieu dans un tipi, où l’on respecta les protocoles culturels. L’étude se conclut par onze recommandations, qui se concentrent sur la poursuite de la réintroduction, la conduite de cérémonies aux étapes majeures du projet, et la continuation de la surveillance et de la récolte culturelles. 

Au cours des cinq années déroulées depuis le début du programme de réintroduction du bison à Banff, nous sommes témoins de l’adaptation des bisons des plaines au paysage de montagne, un lieu qu’ils ont parcouru pendant plus de 12 000 ans. À cette étape de leur réintroduction, nous constatons aussi l’impact du bison sur le paysage et la faune, les autres mammifères, les espèces aviaires, les insectes, les rongeurs, la végétation et les sols. 

Aujourd’hui, nos paysages de montagne subissent beaucoup de pressions : les incendies forestiers, les inondations et la désertification ne sont que quelques-uns des effets du changement climatique que nous observons. Des enjeux nouveaux et difficiles demandent des solutions nouvelles et innovantes.

Le bison ramène une biodiversité accrue autant qu’il apporte des connexions culturelles à la terre et aux populations autochtones de la région. À l’étape de travail de terrain du processus de surveillance culturelle, les « meneurs de bisons » ont dit avoir vécu une « expérience spirituelle » dans la zone de réintroduction du bison. Le meneur de bisons Conrad Rabbit confierait que « Le Créateur a mis le soleil sur nous jusqu’à notre départ — ça rendait très humble. Tout en haut de la crête, on pouvait le sentir : voici l’endroit que parcourait le buffle il y a 200 ans, et nous marchions dans les pas de nos ancêtres. » Ces connexions culturelles avec la terre et la vie sauvage sont ce qui manque en grande partie à la plupart des évaluations environnementales courantes, « standard » et non autochtones.

L’Étude Stoney du bison marque de nombreuses premières. Elle marque la première fois que les Stoney Nakoda ont complété une étude culturelle sur le bison. Elle marque aussi la première Cérémonie de bénédiction du bison, tenue au parc national Elk Island en 2017 peu avant le transfert. Le parc n’avait jamais connu la conduite d’une telle cérémonie. Les Premières Nations membres des traités six et sept étaient toutes présentes. Et en 2022, l’achèvement de l’étude marque la première fois que les connaissances traditionnelles Stoney sur le bison ont été considérées par le parc national Banff.

Le meneur de bisons Toby Dixon observe la vallée de la rivière Red Deer dans la zone de réintroduction du bison en septembre 2020.

Aujourd’hui, nos paysages de montagne subissent beaucoup de pressions : les incendies forestiers, les inondations et la désertification ne sont que quelques-uns des effets du changement climatique que nous observons. Des enjeux nouveaux et difficiles demandent des solutions nouvelles et innovantes. Dans les mots de Jessie Potter : « Si vous faites toujours ce que vous avez toujours fait, vous obtiendrez toujours ce que vous avez toujours obtenu. » L’Étude Stoney du bison est un exemple de la manière dont nous pouvons comprendre les choses autrement, et comprendre comment les paysages et la vie sauvage qu’ils abritent comportent des contextes culturels importants. Se doter d’une compréhension plus vaste et plus holistique de la faune et de la flore sauvages enrichira la base de notre savoir collectif et ajoutera à nos politiques, nos stratégies et nos pratiques de gestion, de sorte à adopter cette nouvelle compréhension au lieu de la laisser dormir sur une étagère. Si cela ressemble à quelque chose de différent d’une étude ordinaire sur la faune, c’est une bonne chose. 

Nous espérons que l’Étude Stoney du bison sera l’une des nombreuses études autochtones sur la faune à être produites pour aider les décideurs dans leurs efforts de gestion des terres et de la faune. Prendre le contexte culturel autochtone en compte en plus du contexte environnemental devrait être pratique courante si nous voulons administrer différemment la faune et les paysages, de façon holistique et le regard tourné vers un avenir plus inclusif et diversifié, surtout devant l’augmentation constante des impacts du changement climatique.

Bill Snow est un membre de la bande Wesley de la nation Stoney Nakoda, et est responsable des consultations Stoney à la Stoney Tribal Administration (Morley, Alberta).


 
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