La route du lac Moraine : trouver l’équilibre

 

Écrit par James Eastham


Parcs Canada a récemment annoncé que l’accès des véhicules personnels ne serait plus autorisé au lac Moraine. Les visiteurs du parc national Banff désireux d’accéder au lac, à l’un de ses sentiers de randonnée ou à l’une de ses voies d’escalade disposent de trois choix : 

Le lac Moraine dans la vallée des Dix Pics dans le parc national Banff. Photo J.F. Bergeron

  • Faire une réservation à la navette de Parcs Canada. Le départ des navettes pour le lac Moraine a lieu tous les quarts d’heure entre 6 h 30 et 18 h au coût de 8 $ pour les adultes et de 4 $ pour les personnes âgées. La dernière navette de retour quitte le lac Moraine à 19 h 30. Jusqu’à dix places peuvent être réservées en une fois. 

  • Organiser son transport par navette privée, par taxi ou par un autobus nolisé autorisé par Parcs Canada. 

  • Traverser à vélo ou à vélo électrique les douze kilomètres de la voie d’accès.

Si ce système répond aux besoins de la majorité des visiteurs, certains groupes, dont les grimpeurs et les alpinistes, peuvent trouver l’accès au lac Moraine plus difficile que par le passé. 

Nous voulions saisir l’occasion de nous adresser directement à la communauté alpine pour résumer les défis qui entourent la gestion de l’accès à l’une des destinations les plus fréquentées au pays, pour expliquer cette prise de décision et les choix que nous avons envisagés 

Pourquoi gérer la circulation?

La demande d’accès des véhicules au lac Moraine a constamment augmenté et Parcs Canada a dû gérer le trafic pour assurer l’accès de secours au lac Moraine et au lac Louise, et empêcher les embouteillages le long de Lake Louise Drive de déborder sur la route Transcanadienne. 

Les années précédentes, la gestion active du trafic sur la route du lac Moraine n’était requise qu’en début de matinée et en début de soirée. En 2022, elle était nécessaire vingt-quatre heures par jour. Quelle que soit l’heure où ils arrivaient, les visiteurs risquaient d’être refoulés. Aux heures de pointe, un véhicule était refusé toutes les deux secondes par manque de places de stationnement, soit environ 5 000 véhicules par jour ou 90 p cent des véhicules qui tentaient d’accéder au lac Moraine. 

Cette statistique inclut sans doute plusieurs grimpeurs qui arrivaient aux heures crépusculaires pour découvrir la voie d’accès fermée, par manque d’espace de stationnement.

Le stationnement de Moraine Lake. Photo Zoya Lynch

Pourquoi ne pas faire une navette plus tôt?

Plusieurs commentateurs en ligne ont suggéré que prolonger les heures d’activité de la navette serait la solution la plus simple pour Parcs Canada, mais c’est malheureusement impossible à présent. 

Afin de savoir pourquoi, il faut faire un pas de recul et observer comment Parcs Canada doit équilibrer l’utilisation et l’accès des personnes avec la conservation écologique. Ces objectifs complémentaires sont au fondement du réseau canadien des parcs nationaux et de la mission de Parcs Canada. 

La demande d’accès des véhicules au lac Moraine a constamment augmenté et Parcs Canada a dû gérer le trafic pour assurer l’accès de secours au lac Moraine et au lac Louise.

Il y a deux corridors fauniques importants dans la région du lac Louise, tous deux traversés par des routes. Le corridor de Fairview, du côté ouest (celui du lac) de la Transcanadienne, est divisé par Lake Louise Drive. À l’est de la Transcanadienne, le corridor de Whitehorn est divisé par Whitehorn Drive. Sur ces routes, les périodes de trafic intense sont un barrage à la faune qui traverse ces corridors. Pour conserver la connectivité des habitats, Parcs Canada travaille fort pour minimiser dans ces deux corridors les perturbations en matinée et en soirée qui empêchent la faune de se déplacer pour se nourrir, se reproduire et se mettre à l’abri. La gestion du trafic des véhicules cherche à préserver des périodes prévisibles d’affluence faible, incluant une restriction de la circulation des véhicules pendant la nuit sur Whitehorn Drive qui mène au parcobus. entre 6 h 00 et 20 h 00, aucun véhicule n’est autorisé à dépasser le carrefour de la promenade de la Vallée-de-la-Bow (autoroute 1A) sur Whitehorn Drive. Faire une navette plus tôt le matin pourrait perturber les mouvements de la faune. 

La mobilisation du public au Plan directeur du parc national Banff (2022) a révélé un fort soutien pour protéger la faune et ses corridors de déplacement. Parcs Canada continue de chercher des façons de conserver ou d’améliorer la connectivité de ces corridors fauniques tout en s’efforçant de fournir à une gamme complète de visiteurs des occasions de découvrir ces lieux emblématiques.

Le service de navette de Parcs Canada pour le lac Louise.

D’accord, mais en attendant, pourquoi ne pas faire une navette matinale à partir de l’ancien parcobus?

L’ancien parcobus, à cinq kilomètres à l’est du lac Louise sur la Transcanadienne, crée moins de perturbations dans les corridors fauniques, et coordonner un petit nombre de départs tôt le matin serait assez simple. Cependant, ramener les visiteurs à cet endroit en cours de journée entraînerait la gestion d’un second système de navettes. Deux parcobus créeraient de la confusion chez les visiteurs et ajouteraient de la complexité et des coûts intenables que les frais d’utilisateurs ne suffiraient pas à récupérer. 

De plus, l’emplacement de la Transcanadienne a été déclassé en tant que parcobus, à la suite des réactions reçues durant la mobilisation du public au Plan directeur du parc national Banff pour des raisons de sécurité liées au trafic tournant à gauche sur la Transcanadienne. Reprendre les opérations à cet emplacement d’origine annulerait les avantages sécuritaires obtenus par le transfert du parcobus à la zone de ski du lac Louise. Durant l’été, le site de l’ancien parcobus sert désormais de camping d’appoint pour le camping du lac Louise et d’établissement d’inspection pour les espèces aquatiques envahissantes.

Si vous ne pouvez pas opérer de navette matinale, pourquoi ne pas permettre de réserver son stationnement?

Parcs Canada a envisagé à la fois le stationnement réservable sur vingt-quatre heures et le stationnement réservable hors des heures de navette, mais ces options furent jugées irréalisables pour deux raisons.

D’abord, le stationnement réservable demande de l’espace pour vérifier les véhicules à partir de la liste de réservations. L’espace du carrefour de la route du Lac-Moraine et Lake Louise Drive est insuffisant pour mener ces inspections sans causer d’importantes congestions. L’arrêt pour trente secondes d’une seule voiture peut suffire à créer un embouteillage. La proximité du carrefour d’avec la Transcanadienne indique que cette congestion, comme par le passé, peut déborder sur l’autoroute en seulement quelques minutes.

Parcs Canada a envisagé à la fois le stationnement réservable sur vingt quatre heures et le stationnement réservable hors des heures de navette.

Ensuite, pour maximiser l’usage des places disponibles, les stationnements réservables impliquent des heures d’entrée et d’autres limites. Par exemple, le stationnement à la Grotto du parc national de la Péninsule-Bruce comporte des plages horaires de quatre heures. Les besoins hautement diversifiés des visiteurs au lac Moraine, de ceux qui y restent trente minutes à ceux qui y restent douze heures, rend difficile la mise en place efficace d’un stationnement à durée limitée.

Et pourquoi pas une carte de stationnement réservée aux grimpeurs?

Il n’y aurait pas de manière concrète pour Parcs Canada d’assurer que seuls les « vrais grimpeurs » recevraient ces permis. En pratique, tout le monde pourrait postuler, la demande continuerait d’excéder l’offre, et ce système se changerait en loterie pour se garer au lac Moraine. 

Il vaut la peine de se demander comment, en priorisant une catégorie d’usagers, certains méritent d’accéder aux parcs nationaux plus que d’autres. Des groupes différents comme les premiers visiteurs ou les photographes argueraient vite qu’ils méritent ce privilège eux aussi.

Sauvegarder l’accès au détriment du confort

Réserver votre transport auprès d’un opérateur commercial certifié par Parcs Canada demandera plus d’efforts aux grimpeurs dont les besoins ne sont pas satisfaits par le système de navettes. Mais le transport réservé garantira aussi d’accéder au lac. Vous n’arriverez plus à 2 h du matin, enthousiastes à l’idée d’escalader la crête est du mont Temple, simplement pour être refusés d’entrée. Quand vous aurez votre fenêtre météo et vos plans préparés, vous arriverez au début de l’ascension.

Parcs Canada vise à protéger ces lieux exceptionnels tout en comblant les besoins des visiteurs avec équité et justesse, mais aucune solution n’est parfaite. Nous nous dévouons toujours à améliorer l’accessibilité des lieux les plus fréquentés et continuerons de faire des changements pour sauvegarder leur accès aux futures générations de grimpeurs. 

Pour en savoir plus sur l’accès aux lacs Moraine et Louise, consulter https://parks.canada.ca/pn-np/ab/banff/visit/parkbus/louise


James Eastham est agent des relations publiques et communications aux parcs nationaux Yoho et Kootenay et au secteur de Lake Louise, Parcs Canada.

 
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