Points de bascule

 

par Lael Parrott, Zac Robinson et David Hik 


Regénération post-incendie après le brûlage dirigé de la vallée de la rivière Saskatchewan supérieure en 2009. Photo Zac Robinson, 2023. 

Les points de bascule fournissent à l’humanité des mesures quantifiables de l’ampleur de changements devenus excessifs.

Au Canada, on se souviendra de cette année — 2023 — comme d’une année de climats extrêmes et mortels. Les incendies de forêt et la fumée, les inondations, la sécheresse, les températures extrêmes, les tornades et le réchauffement des océans ont affecté toutes les régions du pays. Autour du monde, des événements extrêmes comparables ont causé des pertes de vie et de propriété sans précédent. En effet, les mois de juin à août ont formé le trimestre le plus chaud au monde de l’histoire connue, avec en juin une température mondiale moyenne de 1,1° C supérieure à la moyenne du siècle précédent. 

La saison canadienne des feux de forêt de 2023 est la plus destructrice jamais enregistrée. En septembre, plus de 6 132 feux avaient brûlé quelque 16,5 millions d’hectares au pays : une région plus grande que la Grèce. En Colombie-Britannique seulement, le B.C. Wildfire Service rapportait pour l’année un total de 2 217 incendies dans la province, brûlant presque 25 000 kilomètres carrés d’arbres, de broussailles et de prairies, soit aisément la pire saison en termes de superficie brûlée. La majorité des incendies de cette année, plus de 70 p cent, était déclenchée par la foudre, quand vingt-trois p cent étaient d’origine humaine (le taux le plus bas de la décennie). Le coût de la lutte contre ces feux a dépassé 770 millions. (Pour un aperçu approfondi des causes, des conséquences et de la cohabitation potentielle avec les incendies de forêt dans les montagnes canadiennes, consulter l’article de fond de Lori Daniels, « Incendies de forêt », dans le Rapport sur l’état des montagnes de 2019.) 

Des conditions sous-jacentes de sécheresse extrême et de températures supérieures à la moyenne ont rendu le nord et l’ouest du Canada particulièrement vulnérables aux incendies de forêt cette année. Ces événements dépassaient largement les attentes de la variabilité naturelle. Ces « points de bascule » dans le système climatique précipitent le monde dans un état où les impacts du changement climatique pourraient accélérer encore plus rapidement et devenir irréversibles. Les points de bascule fournissent à l’humanité des mesures quantifiables de l’ampleur de changements devenus excessifs, et indiquent des efforts urgents à accomplir aux échelles mondiale, locale et individuelle pour éviter de franchir ces seuils. 

Bien sûr, reconnaître ces points de bascule inspire des actions positives. Par exemple, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé 2022 Année internationale du développement durable dans les régions montagneuses, une résolution soutenue par quatre-vingt-quatorze pays. Le résultat principal a été de proclamer la période 2023-2027 les Cinq années d’action pour le développement dans les régions montagneuses. 

Adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU, la résolution a reconnu que les avantages dérivés des régions montagneuses sont essentiels au développement durable, et que les écosystèmes montagneux jouent un rôle crucial dans l’approvisionnement en eau et en autres ressources et services essentiels d’une grande partie de la population mondiale. La résolution a également reconnu que les écosystèmes de montagne sont hautement vulnérables à l’aggravation des effets néfastes des changements climatiques, des phénomènes météorologiques extrêmes, du déboisement, des feux de forêt et de la dégradation des forêts, du changement d’affectation des terres, de la dégradation des terres et des catastrophes naturelles, entraînant des impacts grandissants sur l’environnement, les moyens de subsistance durable et le bien-être de l’humanité. Les états membres étaient encouragés à adopter une vision à long terme qui incorpore des politiques pour les régions montagneuses dans les stratégies nationales de développement durable. 

En tant qu’organisation nationale d’alpinisme du Canada depuis 117 ans, le Club alpin du Canada est autant témoin des effets négatifs que positifs des changements environnementaux et sociaux dans les montagnes du pays.

En tant qu’organisation nationale d’alpinisme du Canada depuis 117 ans, le Club alpin du Canada est autant témoin des effets négatifs que positifs des changements environnementaux et sociaux dans les montagnes du pays. Dans cette sixième édition du Rapport sur l’état des montagnes, Tim Patterson résume le développement du guidage autochtone dans l’ouest du Canada. Martha Warren aborde les avantages des programmes d’éducation en durabilité dans les montagnes. Greg Horne et Suzanne White décrivent les efforts pour protéger et célébrer des environnements de montagne uniques. 

Nous reconnaissons aussi la valeur de la recherche et de l’exploration dans l’apprentissage des impacts du changement climatique sur les montagnes canadiennes. Sean Carey et John Pomeroy résument trente années de recherche collaborative sur les bassins versants du Yukon. Emily Jerome et Heather Shaw décrivent comment Living Lakes Canada suit les effets du changement climatique sur les écosystèmes alpins d’eau douce. James Eastham évalue les décisions qui ont mené Parcs Canada à contrôler l’accès au lac Moraine dans le parc national Banff. Mary Sanseverino et Lael Parrott partagent les images d’une enquête photographique sur Observation Mountain dans le parc national Banff. Et dans notre article de fond, James King donne une vue d’ensemble détaillée des défis posés par l’étude des poussières et leurs impacts sur l’environnement. 

Nous espérons que vous allez apprécier cette édition du Rapport sur l’état des montagnes, et que vous communiquerez avec nous si vous avez des sujets à proposer pour l’édition de l’année prochaine. 

— Lael Parrott, Zac Robinson, David Hik 

En plein travail, les coéditeurs Lael Parrott (à gauche), Zac Robinson (au centre), et David Hik (à droite) en 2023. 


Le Rapport est édité par Lael Parrott, Zac Robinson, et David Hik, membres de longue date du Club. Parrott est géographe environnemental à l’Université de Colombie-Britannique, Robinson est historien à l’Université de l’Alberta, et Hik est écologiste à l’Université Simon Fraser et expert scientifique en chef à Polar Knowledge Canada. Tous fellows de la Société géographique royale du Canada, les membres de l’équipe se dévouent à la littératie géographique et à l’amélioration des peuples, des lieux et des pratiques de montagne. 

 
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