Recherches en hydrologie de montagne au Yukon

 

Écrit par Sean Carey et John Pomeroy


Le bassin de recherche du ruisseau Wolf et le lac Coal en automne. Photo Sean Carey

Carte du ruisseau Wolf et de son infrastructure, territoire du Yukon

Les changements climatiques et hydrologiques rapides ont un impact négatif sur les montagnes de l’ouest canadien, et les communautés luttent pour comprendre et s’adapter à cette réalité nouvelle. Des observations rares et une capacité scientifique limitée entravent nos aptitudes à prévoir ces changements à travers le nord-ouest du Canada. Comme partie du Global Water Futures program (programme de l’avenir mondial de l’eau), la plus grande initiative universitaire au monde à être axée sur l’eau, le projet Mountain Water Futures (MWF, projet sur l’avenir des eaux de montagne) a oeuvré pour fournir aux Canadiens des techniques et des outils pour gérer l’avenir de l’eau dans les montagnes de l’ouest Canadien, qui subissent des changements rapides avec le recul des glaciers, la réduction du manteau neigeux, la fonte du pergélisol et les changements de végétation. Avec ses nombreux partenaires, MWF maintient plusieurs observatoires qui étudient les processus hydrométéorologiques des montagnes et rassemblent des données à long terme. Le travail de ces observatoires aide à développer des modèles numériques pour prédire des scénarios futurs qui aideront la prise de décision et le développement des politiques des parties concernées. Nous allons souligner à présent le partenariat actuel que le MWF a forgé avec le gouvernement du Yukon, et le développement d’un système de prévision des flux de nouvelle génération. 

Le Dr Erin Nicholls vérifie l’une des nombreuses stations climatiques à l’intérieur du bassin. Photo Sean Carey

En 1992, le Wolf Creek Research Basin (WCRB, bassin de recherche du ruisseau Wolf) fut établi dans les eaux d’amont subarctiques et montagneuses du fleuve Yukon près de Whitehorse (Yukon).1 Le choix du site représentait plusieurs bassins d’eaux d’amont le long de l’extrême nord de la cordillère nord-américaine. À cette époque, le WCRB avait pour rôle de fournir des preuves scientifiques aux prises de décision concernant l’eau, le climat et la biosphère, et de fournir un banc d’essai qui aide à résoudre les lacunes des modèles hydrologiques qui donnaient des résultats très faibles dans les climats froids. Des mesures précises du climat, du cycle de l’eau et des changements climatiques à travers ses différents biomes basés sur l’altitude apportaient l’information pour soutenir des programmes scientifiques de grande ampleur et attira des scientifiques et des étudiants du Canada comme du monde entier. Confrontés au déclin marqué des capacités de contrôle du gouvernement canadien, ces programmes ont placé le WCRB en observatoire gardien faisant partie de plusieurs programmes mondiaux de surveillance environnementale. En 2022, le WCRB a célébré son trentième anniversaire et approfondi son partenariat avec le gouvernement du Yukon avec une entente formelle de partage de l’espace physique et des ressources, ainsi que continuer à collaborer pour aborder les questions scientifiques émergentes. Après avoir bâti un héritage scientifique considérable ces trente dernières années, le maintien et la diversification du WCRB croissent en importance pour aider à comprendre les changements environnementaux et informer les initiatives d’adaptation. 

Une tour météorologique forestière. Photo Sean Carey

Le bassin du fleuve Yukon, partagé entre le Canada et les É.-U., est l’un des principaux fleuves de montagne d’Amérique du Nord. La partie canadienne couvre près de la moitié du Yukon et une petite partie de la Colombie-Britannique, quand toute la partie des É.-U. est dans l’état de l’Alaska. Avant 2018, aucun modèle hydrologique prédictif n’existait pour la portion canadienne du bassin, malgré les dommages importants dus aux inondations dans les nombreuses communautés situées à proximité de son cours principal et ses affluents, causés par les débits élevés et la débâcle des glaces fluviales. Global Water Futures, en collaboration avec le département en environnement du Yukon et Environnement et Changement climatique Canada, a mis en place un système de prévision des débits pour le bassin du fleuve Yukon qui développait, calibrait, validait et opérationnalisait un système à base physique de prévision des débits des cours d’eau du fleuve et de plusieurs de ses affluents à l’intérieur de ce territoire. Les défis pour ce faire étaient nombreux, compte tenu de l’hydrologie des régions froides de ce bassin. La portion sud de celui-ci, de façon caractéristique, comprend de vastes glaciers en haute altitude (jusqu’à 4 700 mètres au-delà du niveau de la mer) avec des pentes abruptes qui génèrent un ruissellement important. Les frontières du nord et de l’est du bassin comprennent aussi des chaînes de montagnes, quand les régions occidentales sont moins en pente et partiellement boisées. En hiver et au printemps, les processus de redistribution de la neige, des fontes neigeuses et glaciaires et des sols gelés, de même que, en été, les processus de pluie, de ruissellement et d’évapotranspiration jouent un rôle clé dans la simulation du débit d’eau dans le bassin.

The Yukon River Basin streamflow forecasting system uses the MESH (Modélisation Environmentale Communautaire - Surface and Hydrology) hydrological land surface model. MESH is a state-of-the-art semi-distributed cold regions hydrological land surface model, which models both the vertical exchanges of heat and moisture between the land surface and the atmosphere, as well as the horizontal transfer of water to streams that is routed hydrologically to the outlet of the basin. MESH relies on meteorological forecasts from Environment and Climate Change Canada (ECCC) to run the model across Yukon, with the system running on Amazon cloud services for reliability, and sends automated daily reports to the Government of Yukon. 

Le système de prévision des flux du bassin du fleuve Yukon utilise le modèle MESH (Modélisation Environnementale Communautaire — Surface and Hydrology) d’hydrologie de surface des régions froides, à la fine pointe, qui modélise autant les échanges verticaux de chaleur et d’humidité entre l’atmosphère et la surface émergée, que le transfert horizontal de l’eau vers les cours d’eau qui sont hydrologiquement acheminés vers l’exutoire du bassin. Ce modèle s’appuie sur les prévisions météorologiques d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) pour fonctionner à travers le Yukon, assurant sa fiabilité par les services nuagiques d’Amazon et envoyant des rapports quotidiens au gouvernement du Yukon de façon automatisée. 

Vue de la station climatique de la forêt supérieure. Photo David Barrett

Le bassin de recherche du ruisseau Wolf en hiver. Photo Sean Carey

Alors que s’apaisaient les eaux en crue de la rivière Klondike près de Dawson City à la fin de l’automne 2023, les représentants du gouvernement du Yukon réfléchissaient à la manière avec laquelle ces efforts de modélisation hydrologique les avaient aidés à mieux prévoir les événements de crues et émettre des avis d’inondation. Dans une de ses régions au moins des communautés du Yukon ont subi pour une troisième année consécutive des inondations record. Anthony Bier, en tant qu’hydrologiste sénior au gouvernement du Yukon, a déclaré : « Selon mon expérience, et spécialement depuis ces deux dernières années, nous utilisons ces rapports sur une base quotidienne. » Bier a ajouté que les modèles résultants aident les météorologues à évaluer les niveaux d’alerte des avis d’inondations diffusés au public, et aident les responsables en interventions d’urgence à comprendre le niveau de risque qu’un événement représente pour les communautés. « Nous nous fions à cette relation triadique entre le [gouvernement du] Yukon, l’Université de Saskatchewan et l’Université McMaster, » a-t-il dit. « Nous espérons faire les prévisions nous-mêmes un jour, mais nous n’y sommes pas encore. »


Le Dr Sean Carey est professeur à l’école des Sciences de la Terre, Environnement et Société et dirige le Watershed Hydrology Group à l’Université McMaster. Ses champs de recherche comprennent les processus hydrologiques, biogéochimiques et des surfaces émergées dans les environnements froids, et il travaille à Wolf Creek (Yukon) depuis 1995.

Le Dr John Pomeroy est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en ressources d’eau et en changement climatique à l’Université de Saskatchewan. Ses recherches s’intéressent aux impacts de l’utilisation des terres et du changement climatique sur l’hydrologie et la qualité de l’eau des régions froides, et à la prévision améliorée des impacts du changement climatique, notamment les inondations et la sécheresse. Il travaille à Wolf Creek (Yukon) depuis 1992.


Autres ressources :

Global Water Futures: http://gwf.usask.ca

Mountain Water Futures: http://www.mountainwaterfutures.ca

Wolf Creek Research Basin: http://wolfcreekresearchbasin.ca 

References

1 Voir Kabir Rasouli, John W. Pomeroy, J. Richard Janowicz, Tyler J. Williams, and Sean K. Carey, “A long-term hydrometeorological dataset (1993-2014) of a northern mountain basin: Wolf Creek Research Basin, Yukon Territory, Canada. Earth System Science Data 11,1 (2019) 89-100,  https://essd.copernicus.org/articles/11/89/2019/.

 
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